20
ans de télé pas comme les autres...
Au départ était, d'un côté le réseau
819 lignes, N&B de TF1, inutilisé depuis 1981
et la finalisation du maillage du nouveau réseau couleur
de ce qui est encore alors la 1ère chaîne publique
française, de l'autre des investisseurs, professionnels
et hommes politiques désireux d'exploiter toutes les ressources
du spectre radio-électrique français.
Fraîchement
élu, François Mitterrand opte pour la libéralisation
des ondes en France. La loi autorisant les "radio libres"
et réglementant l'utilisation de la bande FM est appliquée
début 1982 et c'est le 9 juin que le président de
la république annonce lors d'une conférence de presse:
"Une quatrième chaîne de télévision
sera incesssamment mise en oeuvre. Elle se tournera davantage
vers des retransmitions et aussi des problèmes de culture.
Cette chaîne ne nécessitera aucune charge supplémentaire."
Voilà donc résumé en 3 phrases le cahier
des charges du projet qui n'est encore dans les cartons d'Havas
que sous le nom de TVCS (TéléVision Communication
Services)...
C'est
le 4 Novembre 1984 qu'André Rousselet, en sa qualité
de président de Canal Plus, ouvre l'antenne en
appuyant symboliquement sur LE bouton. 186 000 abonnés
ont répondu présent au jour du lancement. C'est
là le début d'une révolution dans ce qui
devient alors le PAF. Ce 'Paysage Audiovisuel Français'
qui n'avait pas connu de création de chaîne depuis
1972 et qui intégrait alors sa première chaîne
commerciale cryptée. Les programmes commencent à
11h avec la diffusion du film "L'as des as" avec notre
"Bebel" national.
Canal+
est alors calquée sur un modèle qui a fait ses preuves
outre-Atlantique: HBO. Cette chaîne cryptée
multi-diffuse les succès récents du cinéma,
Canal+ y ajoutera le sport et plus particulièrement
le football qui deviendra son deuxième pôle d'attraction.
Le 9 novembre 1984, Nantes/Monaco est le premier match du championnat
de France de D1 à être diffusé.
Après
des début prometteurs malgrès l'accueil glacial
de la presse, l'annonce de l'arrivée de 2 nouvelles chaînes
privées gratuites freine sérieusement la prise d'abonnement.
La chaîne se retrouve fin 1985 avec un déficit de
330 millions de francs pour un chiffre d'affaires de 558 millions.
La rupture est proche, mais les abonnements décollent à
la fin de l'année.
Les
plages en clair, véritables vitrines de la chaîne,
qui au bout du compte accueillent de la publicité, voient
leur programmations renforcées. Avec la création
d'émissions comme 'Zenith' par Michel Denisot, 'Direct'
puis 'Nulle part ailleurs' par Phillipe Gildas qui adapte également
le 'TOP 50' à la télévision, la chaîne
se donne un ton, une identité. Ajoutez à celà
un peu d'irreverance avec 'Coluche 1 faux' ou 'les guignols',
une once de piment qui sera apportée à partir d'Août
1985 par le film X diffusé chaque premier samedi du mois,
de l'information sous forme de Flashes infos et de magazines,
comme 'Samedi 1 heure' et finalement la - mayonnaise - prend.
Le
millionième abonné est enregistré en Mai
1986 et un an plus tard, en Septembre 1987, ils sont 2 millions
dans ce qui est désormais devenu une grande famille. Le
pari des dirigeants est gagné, Canal+ se trouve à
présent sur une pente ascendante forte. En 1990 elle peut
se targuer d'avoir plus de 3 millions d'abonnés et dégage
un bénéfice de 774 Millions pour un CA de 5.3 Milliards
de francs.
Canal+
est désormais rentable, très rentable et le montre
en investissant son nouveau siège sur les bord de Seine.
Un immeuble hi-tech dessiné par Richard Meïer où
sont regroupé tant les services techniques ou financiers
que les plateaux où se tournent les émissions. La
chaîne est le navire amiral de ce qui est devenu le groupe
canal+. Elle se décline dans plusieurs pays dont l'Espagne,
la Belgique et l'Allemagne et se lance dans la diversification
de ses activités en diffusant dès Novembre 1992
un bouquet de programmes par satellite: Canal Satellite.
1994
marque la première grave crise qui secoue la chaîne.
En Février, suite à une modification "politique"
du pacte d'actionnaires, André Rousselet se retrouve poussé
vers la sortie et démissione. Il publiera le 17 Février
dans Le Monde un singlant papier titré "Edouard m'a
tuer" (en référence à un tragique fait-divers
qui défraye alors la chronique), où il dénonce
le complot fomenté selon lui par Edouard Balladur, alors
1er ministre, pour prendre le contrôle de la chaine par
le biais de la CGE (Compagnie Générale
des Eaux) qui deviendra plus tard Vivendi. C'est la fin
d'une époque.
Alors qu'elle s'apprête à fêter son dixième
anniversaire, on ne le sait pas encore, mais la chaîne n'est
plus une grande famille. Elle est devenue si puissante et rentable
qu'elle est l'objet de toutes les convoitises. On assiste à
la rentrée 1994 aux premiers "gros" transfuges
de la chaîne avec le départ entre autres de Jean-Luc
Delarue, Michel Field et Jean-Pierre Coffe. L' 'esprit canal'
se fait la malle alors que Jean-Marie Messier est nommé
Directeur Général de la CGE, avant d'en devenir
plus tard le PDG.
Depuis
quelques mois, la révolution du numérique est en
marche aux Etats-Unis avec le Bouquet DirecTV qui diffuse
déjà depuis 1994 une centaine de chaînes par
satellite. Cette nouvelle technologie permet de diffuser de 8
à 10 programmes là où en analogique on en
faisait passer un. Canal+, via son bouquet CanalSatellite
compte bien utiliser cette methode de compression pour diffuser
ses programmes. De ce fait le groupe cherche des partenaires pour
financer le basculement de l'analogique au numérique.
Tous
les grands acteurs européens du secteur sont contactés.
Mais, en France, TF1, associé à M6
et Francetélévisions a décidé
de se lancer dans la même aventure et en Europe la CLT
(RTL) est associée à Bertelsmann
et Murdoch (BskyB) l'est avec Leo Kirch (Pro7Sat1).
Les dirigeants (P.Lescure et M.Thoulouze) vont opter pour une
fusion avec Nethold, holding Sud-Africaine, alors numéro
trois de la télévision payante en Europe avec pour
principaux marchés l'Italie, la Scandinavie, le Benelux
et l'Europe centrale où sont commercialisées les
marques Filmnet, Multichoice et TelePiù. La fusion
a lieu le 6 septembre 1996. Nethold est absorbée
en totalité grace à l'émission de 6.1 millions
d'actions et 33.7 millions € en cash. Les actionnaires Sud-Africains
(Richmond et MIH) disposent de 20% des part
du nouvel ensemble. Avec les actionnaires français (Havas,
CGE et la Société Générale) ils
contrôlent (théoriquement) 49% du capital.
Pendant
ce temps, CanalSatellite diffuse ses premières
images numériques en Janvier 1996 sur le satellite Astra.
La commercialisation débute le 27 Avril 1996. Et Canal+
se décline. Au passage, l'ellipse imaginée par Etienne
Robial, présente à l'antenne depuis Novembre 1984
et véritable identité de la chaîne, passe
à la trappe, tout un symbole. La chaîne va-t-elle
perdre ses couleurs ? Les déclinaisons multiplexée
Bleue, Jaune et, plus tard, Verte seront créés,
chacune avec sa spécificité à Jaune
le cinéma, Bleu rediffuse les émissions
de flux et Vert sera axé sur le sport.
1998.
La CGE, dirigée par Jean-Marie Messier, change
de nom, devient Vivendi et opte pour un nouvel axe de
développement: la communication. Canal+ et surtout
son fichier d'abonnés, abonnés ouverts aux nouveaux
modes de communication, interressent au plus au point J2M. Son
plan est simple: prendre le contrôle d'Havas pour
détenir une minorité de blocage au sein des actionnaires.
En Mars 1998, C'est chose faite, Vivendi détient
34% de Canal+, puis 49% en septembre 1999 en rachetant les 15%
de Richmond. L'actionnaire Sud-Africain cherchait depuis
2 ans à sortir du capital, n'ayant plus aucune influence
sur les
orientations
du groupe. Vivendi detient donc 49% du capital mais surtout
75% des voix au conseil d'administration. J4M, comme on l'apelle
alors (Jean-Marie Messier, Moi-Même) est seul maître
à bord. Mais depuis 1997, le groupe perd de l'argent.
Du
côté des programmes en clair, en 1998, Phillipe Gildas
arrête la présentation de 'Nulle part ailleurs',
l'émission phare de la chaîne. Guillaume Durand et
Nagui tenteront vainement d'y apposer leur griffe les années
suivantes. L'image de la chaîne se dégrade et le
taux de désabonnement en France n'a jamais été
aussi élevé. Les coûts de fabrication de la
grille ont explosé depuis que TPS le concurent
par satellite s'est attaqué au football et au cinéma.
Recruter un abonné coûte de plus en plus cher. A
l'international, le groupe se trouve en concurence avec d'autres
grand groupes tel que News corp. Toutes les filliales
Européennes sont déficitaires. En 1999 le groupe
annonce une perte nette de 892 Millions de francs toutes activités
confondues.
En
2000, Alain Degreef decide de nous faire manger du 'Nulle part
ailleurs' matin, midi, soir et même le week-end avec 'Votre
nulle part ailleurs' et 'Mon nulle part ailleurs' présenté
par François Pécheux. En semaine, 'Nulle part ailleurs
Matin' est présenté par Alexandre Devoise, 'Nulle
part ailleurs Classique' qui rediffuse les meilleurs moment du
duo Gildas/Decaunes précède 'Nulle part ailleurs
Midi' avec Ph.Gildas et Anne dePetrini. 'Nulle part ailleurs Soir'
est divisée en 2 parties. Thierry Dugeon présente
les informations depuis petit un studio séparé tandis
qu'Emmanuelle Gaume et Philippe Vandel animent la partie divertissement.
Moins de trois mois après la mise en place de cette nouvelle
formule, il faut se rendre à l'évidence, c'est un
échec. Degreef admettra même avoir "dénaturé"
l'émission dans sa version du soir. A quelques jours de
la finalisation en coulisses de la fusion Vivendi / Universal
la pillule passe mal. Le 20 Novembre 2000 l'émission revient
avec le concept original qui mixe info et divertissement avec
comme dernier présentateur Thierry Dugeon.
Le
11 Décembre 2000 marque définitivement la fin de
l'ère des "pionniers". La fusion à 3 entre
Canal+, Vivendi et Universal qui appartient au groupe
canadien Seagram, dirigé par la famille Bronfman,
propulse le nouvel ensemble, Vivendi Universal (VU)
au 2e rang mondial. Mais l'artisant de cette fusion est Jean-Marie
Messier, J6M (Jean-Marie Messier Moi-Même Maître du
Monde). Avec le nouvel organigramme mis en place quelques jours
plus tard, Pierre Lescure se retrouve hierarchiquement sous les
ordres de Messier, sachant que le directoire qu'il préside
est
nommé par le conseil de surveillance dirigé par
J6M.
La fusion à pour but d'alimenter les 'tuyaux' que représentent
les réseaux détenus par Vivendi (SFR,
Cegetel, Canal+) avec les contenus musicaux et les films
d'Universal. L'apport financier que représente
Canal+ est vital dans la compostion de la 'dote' apportée
par Vivendi face à celle du géant Canadien.
Canal+ SA qui regroupe les activité de la chaîne
en France est la seul entité à rester en dehors
de la fusion, une règle stipulant qu'aucun groupe industriel
ne peut détenir plus de 49% du capital. Toute les autres
composantes du groupe Canal+ (CanalSatellite, MultiTématique,
StudioCanal, ...) sont fusionées y compris Canal+
Distribution qui détient le précieux fichier
d'abonnés. A la faveur de la réorganisation du 21
Décembre 2000, Bibiane Godfroid remplace Alain deGreef,
qui depuis la création de la chaîne était
responsable des programmes. Elle gère également
l'achat des droits du cinéma et du foot ainsi que les chaînes
thématiques et internationales. Michel Denisot devient
PDG de Canal+ SA et Denis Olivène le DG de la
chaîne française.
Le
groupe doit maintenant - digérer - la fusion. En France,
Canal+ doit réaliser 400 Millions d'euros d'économies
sur deux ans, un plan social qui prévoit 217 licenciements
est envisagé. A l'international, des négotiations
en vue de fusions, de ventes ou de rachats ont lieu en Italie,
en Pologne, en Belgique. L'objectif est de faire baisser les tarifs
de ce qui est en fait le fond de commerce, le football. En Mai
2001, la restructuration des filiales Européennes est terminé
avec la fusion Stream/Telepiù en Italie, la fusion
de Canal+ Polska et d'UPC, un réseau
câblé et la reprise en main de Canal+ Belgique.
Les
déclarations rassurantes de J-M.Messier tenteront de dissimuler
les tensions qui reignent en interne et qui entrainent le départ
de pilliers du groupe. 4 jours après le départ de
Denis Olivennes, numéro 2 du groupe Canal+, l'annonce
du limogeage de P.Lescure du poste de president du directoire,
le 16 Avril 2002, marque le début de la fin l'ère
Messier. La chaîne interrompt ses programmes pour retransmettre
une assemblée générale des salariés.
Quelques jours plus tard, J-M.Messier est obligé de se
rendre au CSA sous les huées des salariés
de Canal+ pour rassurer le conseil sur les engagements pris au
nom de Canal+ SA par le duo Lescure/Messier à
l'époque de la fusion avec Universal. Xavier Couture, transfuge
de TF1, prend la tête du groupe. Quai André
Citroën, c'est la panique. Le loup est dans la bergerie.
A
la direction des programmes, c'est Dominique Farrugia, sorte de
garant de l' - esprit canal - des débuts, qui a pris la
succession d'Alexandre Drubigny en Février 2002. Ce dernier
avait dû faire des économies sur la grille en clair
et çelà s'était vu. De cette période,
on se souviendra surtout de la réintroduction d'une espèce
disparue, la speakerine, avec Helène l'anti-potiche, ainsi
que d'émissions telles que 'Burger Quizz', un jeu louffoque
présenté par Alain Chabat, puis par des guest comme
Kad & O, ou Helena Noguerra et 'L'hyper Show' de Fréderic
Begbédé qui sera un cuisant échec, retiré
de l'antenne moins de 3 mois après son arrivée.
Le plan échaffaudé par J-M.Messier qui consistait
à parier sur la convergeance des media que sont la télévision,
le téléphone et internet échoue pour de multiples
raisons. On peut siter pêle mêle l'échec du
Wap, les ratés techniques des décodeurs ou l'éclatement
de la 'bulle' boursière des valeurs internet.. Ou peut-être
tout simplement que ce plan n'était pas le bon ? Toujours
est-il que la patience des actionnaires a atteint ses limites
et J-M.Messier est forcé d'annoncer son départ de
VU début Juillet 2002 quelques jours après
avoir déclaré qu'il était là pour
15 ans. Il est remplacé par Jean-René Fourtou qui
met immediatement en place un plan qui vise à rendre à
la chaîne cryptée "son visage d'avant 1997".
Canal+ Distribution (qui exploite le fichier d'abonnés),
Canal+ Régie (publicité), CanalSatellite,
l'éditeur de chaînes MultiThématiques,
la chaîne d'information i>Télévision,
la plate-forme internationale MediaOverseas, la chaîne
Pathé Sport, le studio de cinéma européen
StudioCanal et la participation dans l'opérateur
espagnol Sogecable (Canal+ Espagne et le bouquet
CanalSatelite) retournent dans le girond de Canal+
SA détenue à 49% par VU. Canal+ Group, détenu
à 100% par VU, subsiste, abritant tous les actifs non repris
par Canal+ SA et destinés à la cession, soit les
chaînes et bouquets à l'international (à l'exception
de l'Espagne), le club de football PSG, le câblo-opérateur
NC Numéricâble, Canal+ Technologies
et la filiale internet CanalNumedia. Le but de cette
opération est avant tout de récupérer dans
la partie française de les actifs rentables du groupe.
En
février 2003, Jean-René Fourtou (VU) démet
de ses fonction Xavier couture (C+). Il est remplacé
à la tête de Canal+ par Bertrand Méheut. Le
siège du Quai André Citroën est vendu, la chaîne
s'installera à Ici-les-Moulinaux.
A
la rentrée, Emmanuel Chain arrive de M6 pour animer un
talk, 'Merci pour l'info', qui n'atteindra pas les scores de la
grande époque de 'NPA', ce sera la seule saison de cette
émission. Du côté des audiences, la bonne
surprise arrive à '20h10 pétantes' un show people
animé par Stephane Bern et reconduite en 2004. 'Nulle part
ailleurs' renaît en quelques sorte à la rentrée
2004 avec 'Le grand journal' de Michel Denisot qui mêle
chroniqueurs, séquences humoristiques et invités
de tous horizons le tout sur le plateau de la cultissime émission
de Phillipe Gildas.
Au
jour de ses 20ans, Canal+ est financièrement hors
de danger. Mais que reste-t-il de l'esprit pionnier des débuts?
Rien ou si peu. Quelques émissions comme 'Mensomadaire'
ou '7 jours au Groland' véhiculent toujours l'impertinence
de cet esprit, mais Canal+ est simplement devenu une
société détenue par des actionnaires qui
veulent chaque année récupérer leurs dividendes...
REDACTEUR:
GREG
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